Revenus d’un trust américain perçus par un résident de France
Aux Etats-Unis, les revenus générés par certains trusts sont imposés par transparence fiscale directement entre les mains des bénéficiaires, quel que soit leur Etat de résidence.
Lorsque le bénéficiaire est domicilié hors des Etats-Unis, ces revenus subissent alors une retenue à la source.
Jusqu’en 2009, la convention fiscale franco-américaine assimilait les trusts à des « partnerships », leur reconnaissant sous certaines conditions la qualité de résident et appliquant le principe de transparence fiscale.
Toutefois, après la loi de finances rectificative pour 2011, cette qualification conventionnelle s’est avérée en conflit direct avec le droit interne français, selon lequel constituent des revenus mobiliers « les produits distribués par un trust, quelle que soit la consistance des biens ou droits placés dans le trust » (cf. art 120 du CGI).
Cette divergence conduit à un risque de double imposition lorsque
- les revenus du trust ne sont pas distribués en intégralité,
et/ou
- les revenus du trust imposés par transparence aux Etats Unis ne sont pas des revenus mobiliers (ex : revenus immobiliers), tandis qu’ils sont traités comme tels en France, aucun crédit d’impôt au titre de l’impôt américain n’étant alors imputable en France si l’on considère que l’impôt américain n’est pas une retenue à la source sur dividendes ouvrant droit à crédit d’impôt au sens de la convention.
Par avis du 18 avril 2023, et sur saisine du ministre des finances, le Conseil d’Etat a rappelé que :
- selon le droit interne, les revenus d’un trust américain revenant à un bénéficiaire établi en France ne sont pas imposables par transparence fiscale, mais le sont dans la catégorie des RCM et uniquement au titres des revenus effectivement distribués par la trust ;
- la convention fiscale entre la France et les Etats-Unis ne fait pas échec à ces règles.
Interrogée par nos soins, la Direction de la Législation Fiscale a commenté la situation comme suit (cf. courrier du 10 juillet 2024, non publié) :
« Les revenus distribués à des bénéficiaires résidents de France, via un trust américain tel que défini à l’article 792-0 bis du CGI, sont imposables en France en tant que revenus de valeurs mobilières conformément au 9° de l’article 120 du CGI. Quelle que soit leur source et leur nature réelle, ils sont ainsi assimilés à des revenus de valeurs mobilières étrangères et soumis à l’impôt sur le revenu en France au moment de leur distribution effective et selon les règles fiscales propres à cette catégorie de revenus.
Ces revenus doivent donc être déclarés comme tels pour l’établissement de l’impôt français.
Au contraire, le droit américain répute les revenus perçus via un trust comme directement appréhendés par leurs bénéficiaires ou associés, lesquels devront les déclarer aux Etats-Unis en fonction de la nature juridique propre à ces revenus (dividendes, intérêts, gains en capital…).
Comme précisé dans l’avis du Conseil d’Etat du 18 avril 2023, la convention fiscale franco-américaine n’a pas pour objet de modifier les règles de fond prévues en matière de trusts par les législations nationales mais répartit le droit d’imposition entre les Etats contractants. À cet égard, le paragraphe 3 de l’article 4 de la convention fiscale franco-américaine renvoie au droit fiscal de l’Etat de résidence des bénéficiaires aux fins de déterminer si un trust peut être regardé comme transparent pour l’application des stipulations conventionnelles.
Conformément à la législation fiscale applicable en France citée précédemment, les revenus transitant par un trust américain doivent être regardés comme des distributions de valeurs mobilières de source américaine entre les mains d’un résident de France.
En application de la convention fiscale susvisée, les distributions d’un trust constitué aux Etats-Unis à un résident français relèvent de la catégorie « autres revenus » de l’article 22 de la convention. En effet, il ne s’agit ni d’un bénéfice d’entreprise (article 7), ni d’un dividende (article 10), un trust n’étant ni une entreprise ou une entité assimilée au sens de la première clause, ni une société distributrice au sens de la seconde, ni même plus généralement un résident au sens conventionnel. Il en résulte que les revenus sont imposables exclusivement en France et doivent corrélativement être exonérés aux Etats-Unis.
Toutefois, le paragraphe 2 de l’article 29 de la convention stipule que les Etats-Unis peuvent imposer les citoyens américains comme si la convention n’existait pas. Le cas échéant, le paragraphe 3 de l’article 29 et le sous-paragraphe b du paragraphe 2 de l’article 24 obligent les Etats-Unis à effacer la double imposition.
Il est enfin rappelé que si un contribuable résident de France estime qu’un Etat contractant a procédé à une imposition contraire à la convention, il a la possibilité de demander l’ouverture d’une procédure amiable auprès de son Etat de résidence ou de l’Etat dont il possède la nationalité, conformément à l’article 26 de la convention ».
Ces clarifications sont les bienvenues.
Reste à voir si les Etats-Unis partageront l’analyse de la France, et accepteront de renoncer à l’imposition par transparence les associés non-résidents d’un trust américain, notamment sur des revenus réputés de source américaine (ex : revenus immobiliers). A défaut, les contribuables pourront recourir à la procédure amiable (qui est discrétionnaire) puis d’arbitrage (contraignante) prévues par la convention. Ces procédures sont habituellement très longues, et la décision rendue, qui lie les Etats, « ne concerne qu'un cas particulier, n'est pas motivée et ne constitue pas un précédent ». Gageons alors que ces sujets puissent être tranchés de façon bilatérale sur le terrain des principes.