La prise d’acte et la résiliation judiciaire du contrat de travail sont désormais prises en charge par les AGS


Jusqu’à présent, l’AGS (Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés) ne garantissait pas les sommes dues aux salariés prenant acte de la rupture de leur contrat de travail ou de ceux engageant une action en résiliation judiciaire de leur contrat de travail devant les juridictions prud’homales, dès lors que leur employeur faisait l’objet d’une procédure collective. La Cour de cassation limitait en effet la garantie de l’AGS aux « créances résultant de la rupture des contrats de travail » à l’initiative de l’administrateur judiciaire, du liquidateur judiciaire ou de l’employeur, conformément à l’article L3253-8, 2° du Code du travail. La garantie était par conséquent exclue en cas de prise d’acte ou de résiliation judiciaire, modes de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié.

La Cour de cassation dans deux arrêts du 8 janvier 2025 (n°20-18484 et 23-11417), vient de mettre un coup d’arrêt à cette inégalité, en revenant sur sa position.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) n’a pas été, en l’occurrence, étrangère à ce revirement.

A la suite d’une demande de décision préjudicielle introduite par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, la CJUE (CJUE, 22 fév. 2024, aff. C-125/23) a jugé contraire à la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 octobre 2008 relative à la protection des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur, d’exclure de la garantie les créances issues d’une rupture à l’initiative du salarié, affirmant qu’aucune distinction ne devait être faite selon l’auteur de la rupture :

  1. « En troisième lieu, il convient de constater que rien dans le texte de cette directive ne permet de conclure que la garantie des créances des travailleurs par une institution de garantie puisse être exclue, par un État membre, dans le cas où la rupture du contrat de travail est à l’initiative de ce travailleur en raison d’un manquement de l’employeur. En effet, la directive 2008/94 n’établit aucune distinction en ce qui concerne la couverture de ces créances par ladite institution selon que l’auteur de la rupture du contrat de travail est ou non le salarié.
  1. Certes, c’est à chaque État membre, dans le cadre du droit national, qu’il incombe de déterminer les indemnités qui relèvent du champ d’application de l’article 3, premier alinéa, de la directive 2008/94 (arrêt du 28 juin 2018, Checa Honrado, C 57/17).
  1. Cependant, la faculté reconnue aux États membres, par ladite directive, de préciser les prestations à la charge de l’institution de garantie est soumise aux exigences découlant du principe général d’égalité et de non-discrimination. Ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (arrêt du 28 juin 2018, précité).

A l’aune de la décision rendue par la CJUE, la Cour de cassation retient donc, dans deux arrêts de principe (Cass. Soc. 8 janvier 2025, n°20-18484 et 23-11417) qu’il y a désormais lieu de juger que l’assurance mentionnée à l’article L3253-6 du Code du travail doit couvrir aussi les créances impayées résultant de la rupture d’un contrat de travail, lorsque le salarié a pris acte de la rupture de celui-ci en raison de manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite dudit contrat et intervenant pendant l’une des périodes visées à l’article L3253-8, 2°, du Code du travail, ou lorsque celui-ci a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire en raison des manquements graves de son employeur rendant impossible son maintien dans l’entreprise.

Outre le revirement de jurisprudence qu’ils induisent, ces deux arrêts confirment aussi l’influence toujours aussi prégnante de la jurisprudence communautaire sur le droit positif des Etats membres.

L'équipe du département social Lmt Avocats

Thierry Cheymol - Anne Lemarchand - Marine Gardic - Florine Feuillard