La substitution au cœur de la LFSS 2019


Introduit en 1999 dans le Code de la santé publique (CSP) par la loi de finance pour la sécurité sociale (LFSS) n°98-1194 du 23 décembre 1998, le droit à la substitution a fait des pharmaciens et des médecins des acteurs de la régulation des dépenses publiques.

GÉNÉRIQUE ET RÉTICENCE FRANÇAISE

L’adoption de la LFSS 2019 (L. n°2018-1203 du 22 décembre 2018) poursuit l’objectif visant à favoriser l’utilisation de spécialités génériques et induire ainsi une diminution des dépenses publiques.

En effet, une étude récente de l’OCDE met en lumière la réticence des Français à se voir administrer des spécialités génériques. Seules 30% des spécialités délivrées en France sont des spécialités génériques, alors que ce taux atteint 86% aux États-Unis et 52% en moyenne dans les pays de l’OCDE.

C’est pour répondre à cette difficulté qu’a été adopté l’article 66 de la LFSS 2019, qui restreint les conditions dans lesquelles le médecin peut s’opposer à la substitution et étend le champ d’application de la substitution aux spécialités dites « hybrides ».

NÉCESSITÉ DE REVOIR LE MÉCANISME DE SUBSTITUTION

Jusqu’à l’adoption de la LFSS pour 2019, le prescripteur pouvait imposer la délivrance d’une spécialité
princeps en apposant manuscritement la mention « non-substituable ». Cette mention devait avoir pour fondement « des raisons particulières tenant au patient » (article L. 5124-26 du CSP, dans sa version antérieure), sans que ces raisons n’aient pour autant à être indiquées par le prescripteur.

Tant les modalités pratiques – l’obligation de la mention manuscrite semblant désuète au regard du développement des logiciels d’aide à la prescription – que l’absence de justification connue à l’opposition à la délivrance d’un générique en lieu et place d’un princeps, ont amené le législateur à modifier le dispositif encadrant le droit à la substitution.

Cette évolution législative trouve par ailleurs son origine dans l’augmentation de l’apposition sur les ordonnances de la mention « non substituable » (de 1,8% en 2013 à 8,3% en 2016) et par conséquent le constat de l’augmentation des dépenses publiques (évaluées à 104 millions d’euros par an).

UN NOUVEAU DISPOSITIF PLUS CONTRAIGNANT

Le nouveau dispositif prévoit que la substitution par le pharmacien pourra s’exercer « à condition que le prescripteur n’ait pas exclu cette possibilité par une mention expresse et justifiée portée sur l’ordonnance » (article L. 5123-23, II° du CSP, modifié par L. n° 2018-1203, 22 déc. 2018).

Par conséquent, la seule mention « non substituable » est à présent insuffisante et doit être complétée par une explication quant à la situation médicale justifiant l’exclusion de la délivrance du générique. Aussi, le nouveau dispositif impose au prescripteur de faire connaître les raisons de son choix du princeps au détriment du générique et restreint de fait un peu plus sa liberté de prescription.

APPLICATION DE LA LOI DANS LE TEMPS

L’article 66 de la LFSS 2019 précise les modalités d’application dans le temps de ce nouveau dispositif en ces termes : « La mention expresse mentionnée au deuxième alinéa du II de l’article L. 5125-23 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la présente loi, est portée sur l’ordonnance sous forme exclusivement manuscrite, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’arrêté mentionné au même deuxième alinéa ».

Ainsi, jusqu’à l’adoption de l’arrêté fixant les justificatifs susceptibles de fonder l’opposition des prescripteurs à la substitution, ces derniers doivent indiquer expressément et manuscritement la justification médicale de l’opposition à la substitution.

Dès que l’arrêté aura été adopté, les médecins devront se référer aux justificatifs d’exclusion du générique au regard de la situation médicale du patient tels que définis par ce dernier. En pratique, ils pourront l’indiquer soit sous forme manuscrite, soit en utilisant les logiciels d’aide à la prescription qui devront être actualisés afin d’intégrer les situations médicales justifiant l’opposition à la substitution.

CONSÉCRATION  DES MÉDICAMENTS  HYBRIDES 

Parallèlement à ces nouvelles obligations, le législateur a consacré la notion de « médicaments hybrides ». Ces spécialités qui, selon le rapporteur général de la commission parlementaire « ont la couleur et l’odeur du générique, mais n’en sont pas », sont définies négativement par rapport aux spécialités génériques. Ainsi, le médicament hybride est une « spécialité qui ne répond pas à la définition d'une spécialité générique parce qu'elle comporte par rapport à la spécialité de référence des différences relatives aux indications thérapeutiques, au dosage, à la forme pharmaceutique ou à la voie d'administration, ou lorsque la bioéquivalence par rapport à cette spécialité de référence n'a pu être démontrée par des études de biodisponibilité. » (article L. 5121-1, 5°, c) du CSP).

La définition de cette notion répond à la volonté du législateur de créer, à l’instar du registre pour les génériques, un registre spécifique et autonome des spécialités hybrides afin de permettre la substitution des spécialités princeps par des spécialités hybrides.

La mise en œuvre et les conditions d’accompagnement des patients en termes d’information et d’éducation à la suite de la création du registre des médicaments hybrides qui devrait intervenir le 1er janvier 2020, devront être surveillées attentivement.

Conclusion

L’efficacité des mesures destinées par la LFSS à combattre la réticence des patients français à se voir administrer des spécialités génériques devra s’apprécier à l’aune de leur mise en œuvre. La balance entre les économies engendrées par ces mesures et la sécurité des patients notamment lors de la substitution d’un princeps au profit d’une spécialité hybride devra du reste être évaluée afin de pouvoir in fine adapter les modalités d’accompagnement de cette substitution.

 

Olivier Samyn, associé Lmt Avocats

Ghislaine Issenhuth, collaboratrice