La responsabilité de l’agent immobilier à raison du défaut d’assurance du locataire
L’agent immobilier simplement mandaté pour la conclusion d’un bail ne peut être tenu responsable du défaut d’assurance du locataire postérieur au renouvellement du bail
Lors de la conclusion d’un bail d’habitation par son entremise, l’agent immobilier doit s’assurer du respect par le preneur de ses obligations parmi lesquelles figure la souscription d’une assurance le garantissant contre les risques locatifs (incendie etc.). La jurisprudence constante rappelle cette obligation au regard des locations vides. Cependant, cette obligation de souscrire une assurance prévue à l’article 7 g de la loi du 6 juillet 1989 connaissait une exception notable pour les locations meublées pour lesquelles l’assurance par le locataire était facultative bien que recommandée en opportunité. Lorsque le contrat de bail stipulait expressément que le locataire devait être assuré, l’agent immobilier mandaté pour conclure ce bail avait alors l’obligation de veiller au respect par le locataire de son obligation non pas légale mais contractuelle.
La Loi ALUR du 24 mars 2014 rend applicable aux locations meublées l’obligation d’une assurance locative
Depuis, l’article 8 de la Loi ALUR du 24 mars 2014 a étendu le régime de la loi du 6 juillet 1989 aux locations meublées et notamment l’article 7 relatif à l’obligation de souscription d’une assurance.
Désormais, l’agent immobilier mandaté pour conclure un bail de location meublée devra s’assurer de la souscription d’une assurance locative par le locataire. Ainsi, l’agent immobilier ne devra plus se contenter de veiller concrètement au respect par le locataire d’un logement meublé d’une stipulation du contrat de bail, qu’il aura la plupart du temps luimême rédigé, mais d’une obligation légale.
Or, une fois la vérification d’une assurance locative effectuée lors de la conclusion du bail, l’agent immobilier doit-il alors s’assurer, lors du renouvellement éventuel du bail, que le locataire est toujours couvert par une assurance ? Il est évident que l’agent immobilier, non seulement chargé de la conclusion du bail, mais aussi de la gérance du bien pendant toute la durée du bail a pour obligation de veiller, au moins annuellement, à l’existence d’une assurance locative en cours de validité par la fourniture d’une attestation. Cependant, lorsque l’agent immobilier n’a été mandaté qu’aux fins de conclure le bail et qu’un sinistre survient après le renouvellement du bail, par tacite reconduction et sans l’intervention de l’agent, la responsabilité de l’agent peut-elle être engagée ?
C’est à cette question qu’a répondu la Cour de cassation dans un arrêt du 31 mars 2016 (Civ 3° 31/03/2016 n° 15-11.078). En l’espèce, l’agent immobilier avait été mandaté pour conclure le bail d’un logement meublé d’une durée d’un an renouvelable. Le bail étant antérieur à la Loi ALUR, l’obligation d’assurance ne résultait pas de la loi mais d’une stipulation du bail dont l’agent n’a pas vérifié l’exécution par le locataire. Un incendie est alors survenu lors du deuxième renouvellement du bail et l’assureur du syndicat des copropriétaires a assigné l’agent immobilier en garantie.
Lorsque la mission de l’agent immobilier est limitée à la conclusion du bail, il n’est pas tenu de vérifier l’existence d’une assurance locative lors des renouvellements du bail
Bien qu’il était évident que l’agent avait commis une faute lors de la conclusion du bail en ne vérifiant pas que le locataire était assuré comme le bail l’exigeait, la Cour d’appel puis la Cour de cassation ont écarté la responsabilité civile de l’agent pour deux raisons. En premier lieu, la mission de l’agent se limitait à la conclusion du premier bail pendant lequel aucun sinistre n’est survenu. En second lieu, les juges ont retenu que même si l’agent avait vérifié l’existence d’une assurance lors de la conclusion du bail et que cette assurance avait existé, rien ne laissait prédire que le locataire aurait continué à souscrire cette assurance pour les années suivantes pendant lesquelles l’incendie est survenu.
Transposable aux locations vides, cette solution est très favorable à l’agent immobilier car celui-ci avait incontestablement commis une faute dont le lien de causalité avec le préjudice n’a pas été retenu par les juges. En effet, il était possible de soutenir que l’absence d’assurance lors des renouvellements aurait pu être détectée ou évitée si l’agent avait effectué la première vérification à laquelle il était tenu. Sans doute l’agent immobilier devrait-il conseiller à son mandant, pour éviter tout revirement de cette jurisprudence sur le fondement de l’obligation de conseil, de veiller à l’existence d’une assurance lors des renouvellements du bail même hors son intervention.
Jérôme Rousselle (Expression Acheter-Louer.fr n° 53 novembre/décembre 2016)
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