Forfait mixte BETIC-SYNTEC rémunéré en-deçà du PASS : pas de rappel de salaire automatique
De nombreux cadres relevant de la Convention collective des Bureaux d’Etudes Techniques sont soumis à un aménagement hybride de leur durée du travail, celui de la Modalité 2 de l’accord de branche du 22 juin 1999 (article 3 du chapitre II).
Pour mémoire, cette modalité fréquemment désignée « forfait 38h30 » consiste en la combinaison :
(1) d’un forfait en heures, permettant de faire varier la durée du travail au-delà et en deçà de 35 heures, dans la limite de 10% soit 38h30, et
(2) d’un plafond annuel de jours travaillés, dans la limite de 219 jours, générant ainsi des jours de repos sur l’année. Parmi les conditions d’éligibilité de ce forfait mixte, la Convention collective prévoit que les cadres concernés doivent bénéficier, notamment, d’une rémunération annuelle au moins égale au Plafond Annuel de la Sécurité sociale (PASS).
Quid si cette condition n’est pas respectée ?
Dans l’espèce tranchée par la Cour de cassation le 14 mai 2025 (ici) les juges ont estimé que le salarié ne pouvait pas exiger le paiement d’un rappel de rémunération pour atteindre le PASS.
Devant les juges du fond, le salarié avait obtenu que sa démission soit requalifiée en rupture aux torts de l’employeur (avec indemnités afférentes), du fait du refus de ce dernier de faire droit au rappel de rémunération demandé. La Cour d’appel de Grenoble avait en effet estimé que le salarié avait le choix entre :
- Invoquer la nullité et l’inopposabilité de la convention de forfait mixte, et par conséquent demander l’application des règles légales de durée du travail (et les conséquences habituelles en matière de rappels d’heures supplémentaires)
Ou
- Demander la mise en conformité de la convention de forfait aux dispositions conventionnelles prévoyant le bénéfice d’une rémunération égale au PASS.
L’employeur soutenait au contraire que le salarié ne pouvait pas se prévaloir de la convention de forfait mixte pour exiger un rappel de rémunération pour atteindre le PASS, seule la nullité de la convention pouvant être invoquée le cas échéant.
Au visa de l’article 3 précité, la Cour de cassation estime tout à la fois que :
- la Convention collective ne fait pas obligation à l’employeur d’assurer au salarié un niveau de rémunération équivalent au PASS,
- l’employeur ne peut valablement soumettre à la modalité 2 un salarié ne bénéficiant pas d’une rémunération annuelle équivalente au PASS.
Par conséquent, l’arrêt d’appel est cassé sur ce point. Conséquence secondaire, le défaut de paiement du complément de rémunération ayant justifié que la rupture du contrat soit jugée comme produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les condamnations initialement prononcées (dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, etc.) sont également remises en cause.
Cette décision invite donc à être particulièrement vigilant : tant sur le respect de la condition de rémunération minimale prévue par la Convention collective (qui s’ajoute à celle des 115% minimum du salaire conventionnel) que sur la stratégie de défense à adopter en cas de réclamation ou de contentieux portant sur cette problématique.
Anne Lemarchand & Thierry Cheymol, Associés de l'équipe Social