La distribution du médicament en ville


L’Autorité de la concurrence a rendu, le 19 décembre 2013, un avis n°13-A-24 sur le fonctionnement de la concurrence dans le secteur de la distribution du médicament en ville.

Initiée en février 2013, cette enquête sectorielle a permis à l’Autorité de la concurrence, notamment grâce aux contributions apportées par les acteurs concernés, d’effectuer une analyse concurrentielle de ce secteur en pleine évolution, et de définir des recommandations visant à animer la concurrence au sein de celui-ci. Trois objectifs essentiels ont été définis :

  •  Favoriser la promotion des médicaments génériques, notamment par : 
    • la lutte contre les pratiques de dénigrement des génériques (mise en place de bonnes pratiques, formation du personnel des laboratoires princeps) ;
    • un contrôle plus strict de la visite médicale.
  • Renforcer la puissance d’achat des intermédiaires afin d’équilibrer la chaîne de distribution des médicaments. L’Autorité de la concurrence préconise de :
    • développer les structures de regroupement à l’achat (SRA) et les centrales d’achat pharmaceutiques (CAP), qui doivent permettre aux officines de taille moyenne ou modeste d’obtenir des tarifs moins élevés qu’en vente directe ;
    • égaliser les obligations légales imposées aux différents intermédiaires, qu’ils soient grossistes, SRA ou CAP.
  •  Assouplir les règles de dispensation et de publicité relatives aux médicaments, grâce à:
    • l’ouverture de la vente des médicaments d’automédication et de certains produits dits « frontières » (tests de grossesse, produits d’entretien pour lentilles de contact) en parapharmacie ou en grandes surfaces ;
    • l’assouplissement des règles de publicité tarifaire et de déontologie qui interdisent à l’heure actuelle de solliciter la clientèle afin de garantir au consommateur une plus grande transparence des prix.

Cet avis a suscité de vives réactions :

  • la Ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, a annoncé qu’elle n’était pas favorable à un abandon du monopole pharmaceutique, induit par l’ouverture de la vente de médicaments d’automédication en grande surface, et qu’elle missionnait l’IGAS afin de dresser un état des lieux et proposer des évolutions dans le secteur de la distribution en gros des médicaments.
  • Isabelle Adenot, présidente du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens, a quant à elle dénoncé dans un document intitulé « Médicaments, pour une transparence de la consommation et des coûts, 5 questions franches et 1 enquête incontestable » une caricature des débats et des affirmations fausses.

 

Loi n°2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 (LFSS)

La LFSS a pour objectif de maîtriser les dépenses sociales et de santé. Plus particulièrement, dans le domaine des produits de santé, son objectif est de favoriser une politique du médicament efficiente et favorable à l’innovation. En ce sens, la LFSS, entrée en vigueur le 1er janvier 2014, contient plusieurs apports :

  • Création d’une troisième tranche de taxation sur la contribution due par les entreprises assurant l'exploitation de spécialités pharmaceutiques et qui se livrent à la vente directe des médicaments remboursables (article 13).
    L’assiette de cette troisième tranche correspond, dans le cas de la vente directe de médicaments d'une entreprise à une pharmacie d'officine, aux marges rétrocédées à cette dernière. Ces dispositions seront applicables à compter du chiffre d’affaires réalisé en 2014.

  • Expérimentation de la délivrance, à compter du 1er avril 2014, de certains antibiotiques à l’unité pendant 3 ans afin de lutter contre les risques de réutilisations inappropriées et de médicaments inutilisés (article 46).
    Les responsabilités des différents acteurs, ainsi que les règles d’étiquetage, de conditionnement et de définition du prix à l’unité feront ultérieurement l’objet d’un décret.

  •  Création d’un droit de substitution pour les médicaments biologiques et mise en place d’une liste de référence des groupes biologiques similaires (article 47), sur le modèle du répertoire des groupes génériques, qui existe depuis 1997.

  •  Prolongation de l’expérimentation permettant la prise en charge par l’assurance maladie des médicaments ayant bénéficié d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) (article 48):
    La LFSS a supprimé la limitation de 7 mois de prise en charge, afin de mieux prendre en compte des délais d’obtention de l’AMM. 

    La LFSS prévoit également que lorsque le prix fixé par le CEPS s’avère inférieur au montant qui était facturé par le laboratoire et remboursé par la sécurité sociale, la différence de prix devra être remboursée par le laboratoire.

  • Evolution du régime des plafonds de remises des spécialités génériques (article 49), qui reste cependant inchangé pour les médicaments princeps.

    • le taux de remise maximal sur les spécialités génériques, actuellement de 17 %, est remplacé par un taux qui ne pourra excéder 50% du PFHT en fonction des modalités d’un arrêté à intervenir (le taux de 17% est maintenu à titre transitoire jusqu’à la date d'entrée en vigueur de l'arrêté);

    • un nouvel article L138-9-1 est inséré dans le code de la sécurité sociale, prévoyant un dispositif de transparence sur les remises consenties aux pharmaciens par les laboratoires génériqueurs. Ces derniers devront effectuer une déclaration annuelle des remises, ristournes et avantages commerciaux accordés, y compris dans le cadre d’un accord de coopération, auprès du CEPS, afin de permettre un contrôle des remises obtenues par les pharmaciens. Les laboratoires concernés pourront être sanctionnés par le CEPS en cas de non-respect de cette obligation, dans la limite d’une sanction financière ne pouvant pas excéder 5 % du CA HT annuel réalisé en France issu des ventes de spécialités génériques remboursables du laboratoire concerné.

 

1er février 2014 : entrée en vigueur du dispositif d’harmonisation des sanctions pénales et financières relatives aux produits de santé

Au vu de la refonte du système de sécurité sanitaire opérée par la loi du 29 décembre 2011, une harmonisation des sanctions pénales et administratives encourues dans le domaine des produits de santé devait être effectuée par voie d’ordonnance dans les 24 mois suivant la publication de cette loi.

L’ordonnance du 19 décembre 2013 et le décret du 30 janvier 2014 ont pour objet de modifier un certain nombre de sanctions attachées aux infractions prévues dans le code de la santé publique :

  • pour les infractions ne présentant pas de risque pour la santé : un certain nombre de sanctions pénales sont remplacées par des sanctions financières ;
  • pour les infractions les plus graves ou qui entraînent des risques majeurs pour la santé publique, ou qui font en pratique l’objet de poursuites par le Parquet : les peines pénales sont conservées, et le quantum des amendes systématiquement augmenté ;
  • sur les autorités habilitées à effectuer des contrôles : les prérogatives des inspecteurs de l’ANSM, des ARS et de la DGCCRF ainsi que des officiers de police judiciaire sont étendues.

 

Mise en place du « site internet public unique » par l’arrêté du 3 décembre 2013

Prévu par le décret du 21 mai 2013 relatif à la transparence des avantages accordés par les entreprises produisant ou commercialisant des produits à finalité sanitaire et cosmétique destinés à l'homme, les modalités de fonctionnement du site internet public, dont la mise en ligne est prévue en avril 2014, sont définies par cet arrêté :

  • le format de communication des déclarations des entreprises concernées (saisie en ligne, dépôt en ligne de fichier, ou envoi automatique par l’intermédiaire d’un web service). L’autorité responsable du site unique accusera réception de la transmission, avec une copie du fichier transmis pour preuve de la non-altération des données ;

  • la gestion de l’authentification des entreprises déposantes ;

  • les modalités d’accès et de rectification des données des personnes concernées par les déclarations, qui s’effectueront via le responsable du site internet. Celui-ci aura pour rôle de mettre en relation la personne concernée et l’entreprise, en charge d’effectuer les modifications nécessaires et de transmettre au responsable du site internet public unique le résultat de cette modification.

Les entreprises ont d’ores et déjà accès à ce site internet, son ouverture au public est cependant prévue au 1er avril 2014.

En conséquence, il appartient aux entreprises concernées de transmettre à l’autorité responsable du site internet unique, dans les formes requises, les déclarations concernant les conventions signées à compter du 19 décembre 2013 (date de la publication de l’arrêté au JO), dans un délai de 15 jours à compter de leur signature.

Les avantages consentis au second semestre 2013 pourront être déclarés jusqu’au 28 février 2014, la Direction générale de la santé ayant octroyé, à titre exceptionnel, un délai aux laboratoires.

S’agissant des avantages consentis en 2014, les déclarations seront à adresser au plus tard le 1er août 2014 pour les avantages octroyés au premier semestre, et le 1er février 2015 pour les avantages octroyés au second semestre.

 

Antoine LemétaisOlivier SamynGhislaine Issenhuth