EHPAD à but non lucratif & Taxe d’habitation : le dégrèvement doit bénéficier aux résidents

Article paru dans la revue Ehpadia N°11 - Avril 2018 


Les pensionnaires des maisons de retraite sont, aux termes des articles 1407 et 1408 du Code général des impôts, assujettis à la taxe d’habitation dans les conditions de droit commun lorsqu’ils ont la disposition privative de leur logement.

L’assujettissement à La taxe d’habitation

La question de l’assujettissement des résidents d’EHPAD à la taxe d’habitation s’est posée au regard des conditions d’occupation de leur logement et a été tranchée par le Conseil d’État par une décision en date du 13 octobre 20161. Après avoir examiné les conditions d’occupation du local, elles-mêmes déterminées par le règlement intérieur de l’EHPAD, le Conseil d’État a considéré que bien qu’elle soit sujette à des restrictions telles que l’interdiction « d’y faire la cuisine, d’y loger des tiers et d’ajouter un verrou de sécurité », la disposition du logement était personnelle aux résidents dans la mesure où les restrictions étaient uniquement destinées à préserver leur tranquillité et leur sécurité. Le critère de la jouissance effective du logement est donc déterminant pour déclencher l’assujettissement à la taxe d’habitation.

Quid alors de la taxation de l’EHPAD lui-même dans l’hypothèse où le résident n’a pas la jouissance effective de son logement?

Deux situations doivent être distinguées :

• L’EHPAD à but lucratif, qui entre dans le champ de la cotisation foncière des entreprises et bénéficie par conséquent d’une exonération de taxe d’habitation.

• L’EHPAD à but non lucratif (association, fondation, sociétés mutualistes, congrégation), pour sa part soumis à la taxe d’habitation établie au nom du gestionnaire. Ce dernier la répercutant sur les résidents au titre des charges d’occupation du logement, son coût pèse in fine sur les personnes âgées accueillies dans un établissement d’hébergement à but non lucratif. 

Le dégrèvement en pratique

Selon la doctrine de l’administration fiscale2, les EHPAD à but non lucratif bénéficient du dégrèvement de taxe d’habitation tel que prévu par le Code général des impôts. Cette doctrine a été légalisée par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017, dite Loi de finances pour 2018, qui a introduit en faveur des établissements pour personnes âgées dépendantes et des petites unités de vie sans but lucratif, un nouvel article 1414 D dans le Code général des impôts. Une évolution qui leur permet de bénéficier d’un dégrèvement de taxe d’habitation et rend désormais obligatoire sa rétrocession aux résidents concernés. Le dégrèvement ne porte toutefois que sur la fraction de cotisations afférente au logement des résidents et ne s’applique pas aux locaux communs et administratifs. Il est « égal à la somme des montants d’exonération et de dégrèvement dont auraient bénéficié leurs résidents […], s’ils avaient été redevables de cette taxe au titre du logement qu’ils occupent dans l’établissement au 1er janvier de l’année d’imposition ».

En pratique, le dégrèvement est accordé à l’établissement sur présentation d’une réclamation, prise à l’appui d’une copie de l’avis d’imposition à la taxe d’habitation de l’EHPAD, ainsi que de la liste des résidents présents au 1er janvier de l’année d’imposition qui ne sont pas personnellement imposés à la taxe d’habitation3. Cette réclamation doit être adressée au plus tard le 31 décembre de l’année suivant celle de la mise en recouvrement du rôle. Le gestionnaire de l’EHPAD doit déduire la fraction du dégrèvement dont bénéficie l’établissement au titre du tarif journalier mis à la charge du résident en contrepartie des prestations minimales d’hébergement, ou à défaut rembourser au résident le montant de cette fraction. Afin d’assurer la transparence de cette déduction, le montant de la taxe d’habitation à laquelle est assujetti l’EHPAD et le montant du dégrèvement doivent figurer sur la facture du résident.

Les propositions du rapport Bonne

Ce nouveau dispositif fiscal a pour objectif de compenser l’augmentation de la contribution sociale généralisée sur les retraites4 et s’inscrit dans le mouvement de réforme des EHPAD engagé par la Mission Flash. Ainsi, le Sénat a publié, le 7 mars 2018, le Rapport Bonne relatif à « la situation dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes » aux termes duquel une liste de 24 propositions a été dressée. Trois d’entre elles tendent à alléger les charges des résidents en EHPAD :
• La proposition n°3 : « relever le seuil au-delà duquel il est procédé au recouvrement sur succession de l'ASH. » L’aide sociale à l’hébergement (ASH) ouvre droit au recouvrement sur la succession du résident par le conseil départemental des sommes touchées à ce titre. Aussi, à l’heure actuelle, les résidents des EHPAD sont réticents à en demander le bénéfice alors que leurs héritiers devront à termes rembourser le montant de l’ASH.
• La proposition n°4 : « ne pas déduire les montants perçus au titre de l'allocation personnalisée à l'autonomie (APA) et de l'aide sociale à l'hébergement des dépenses afférentes à la dépendance pour le calcul de la réduction d'impôt à laquelle ils sont éligibles. » Pour mémoire, les résidents en EHPAD peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt à hauteur de 25% des dépenses afférentes à la dépendance. Jusqu’ici, l’APA et l’ASH venaient en déduction de ces dépenses entrainant mécaniquement une réduction d’impôt moins importante.
• La proposition n°5 : « prévoir une disposition législative autorisant les établissements à pratiquer des prix différenciés en fonction du niveau de ressources des résidents, afin de diminuer le reste à charge des plus modestes ».

En conclusion, la loi de finances pour 2018 comme les propositions issues du Rapport Bonne répondent à la nécessité de revoir le modèle économique des EHPAD, dont les difficultés de fonctionnement ont alerté les pouvoirs publics, tout en allégeant les charges pesant sur les résidents.

1 - Conseil d’État, Ch. Réunies, 13 octobre 2016, n° 388316, Mme B. 2 - BOI-IF-TH-50-30-20-20120912. 3 - Les résidents imposés à la taxe d’habitation car ayant conservé la disposition de leur habitation ne peuvent bénéficier du dégrèvement qu’au titre de leur résidence principale. 4 - 1,7 point au 1er janvier 2018, article 8 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Par Ghislaine Issenhuth, avocat au barreau de Paris et Olivier Samyn, associé, Lmt Avocats.