Déploiement du Dossier Médical Partagé dans les EHPAD


 

Le Dossier Médical Partagé (DMP) va-t-il renaître de ses cendres ? Telle est manifestementl’ambition de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 qui,douze ans après la création du Dossier Médical Personnel, a modifié non seulement sa dénomination mais également ses modalités d’accès et de fonctionnement. Il est vrai quele projet initial était ambitieux puisqu’il devait permettre dans les sept années suivant sacréation de collecter les données de 61 millions de patients à travers près de 500 000 professionnels de santé. Une mauvaise évaluation des exigences techniques, l’ensembledes établissements devant se doter d’un équipement informatique compatible, et l’absenced’adoption des dispositions règlementaires précisant les modalités d’application du DMPont abouti à un échec de sa mise en oeuvre puisqu’en 2016 seuls 500 000 DMP avaientété créés. 

 

La refonte du dossier Médical Partagé

La loi de modernisation de notre système de santéet son décret d’application du 4 juillet 2016 ontprocédé à la refonte du DMP pour apporter desmodifications majeures offrant une meilleure autonomie au patient et plus de fluidité dans sonutilisation par les professionnels de santé. Ainsi,alors que tel n’était pas le cas initialement, le patient peut à présent accéder directement auDMP, modifier les conditions d’accès à son dossier ou encore masquer certaines informationsaux personnes habilitées à le consulter. Si le patient doit consentir à la création du DMP iln’aura plus à donner son consentement à chaquefois qu’un professionnel de santé souhaitera y accéder dès lors que ce dernier fera partie del’équipe de soins. 

D’un point de vue pratique la conception, la miseen oeuvre et l’administration du DMP ont été transférées de l’Agence des systèmes d’informationpartagés de santé (ASIP Santé) à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) dans un objectif de rationalisationdes coûts. Ce transfert a eu lieu après validationpar la CNIL de l’architecture d’information retenueet notamment la séparation et l’étanchéité entrele système d’information du DMP et celui de laCNAMTS. On rappellera que la CNAMTS a étémise en demeure en février dernier par la CNIL,cette dernière ayant constaté plusieurs manquements dans la gestion de la base du Système National d’Information Interrégimes de l’AssuranceMaladie (SNIIRAM) relatifs à la pseudonymisation,aux procédures de sauvegardes des données età l’accès aux données par les utilisateurs et les prestataires. Aussi, la CNAMTS devra être particulièrement vigilante dans l’administration du DMP.

L’implémentation du dossier Médical Partagé dans Les ehPad

La CNAMTS n’est toutefois pas le seul acteur dans lamise en oeuvre du DMP puisque les Agences Régionalesde Santé (ARS) sont responsables de la déclinaison régionale du cadre commun du projet de e-santé dont faitnotamment partie le DMP. À ce titre, aux termes d’une instruction ministérielle publiée le 13 mars 2018, les ARSont été chargées en collaboration avec l’Assurance Maladie de sensibiliser les EHPAD au déploiement duDMP. 

Le DMP a été conçu comme un carnet de santé numérique regroupant les antécédents du patient, l’historiquedes remboursements, les traitements en cours, lescomptes rendus d’hospitalisation et de consultation, lesrésultats d’examen mais également la mention du dond’organes ou encore les directives anticipées, … Le DMPest donc un outil visant à assurer une qualité et une continuité du parcours de soins des patients. 

Les EHPAD s’imposent de ce fait comme acteurs de l’enrichissement des DMP. En effet, par nature, les patientsadmis en EHPAD sont très souvent amenés à changer demédecin traitant, le DMP permettra ainsi une continuitédans leur prise en charge et évitera la redondance d’actesinutiles. À cet endroit, on relèvera que la Convention nationale entre médecins libéraux et l’Assurance maladieprévoit que les comptes rendus des actes de téléexpertiseeffectués entre le nouveau médecin traitant du patient enEHPAD et son ancien médecin traitant soient inscrits dansle DMP. À l’identique, l’acte de téléconsultation réalisé parle médecin traitant au profit des patients résidant enEHPAD à la demande d’un professionnel de santé del’établissement qui constaterait une modification de l’étatlésionnel ou fonctionnel du patient, doit être mentionnédans le DMP et mis à disposition du médecin coordonnateur de l’EHPAD.

Concrètement, le Ministère des solidarités et de la santépréconise la cartographie de la « DMP-compatibilité » dessystèmes d’information des EHPAD consistant à vérifierque les logiciels intègrent les caractéristiques du DMP enidentifiant dans un premier temps les professionnels desanté amenés à alimenter les DMP des résidents, puisdans un second temps les EHPAD qui disposent d’un système d’information interopérable avec le DMP dans lamesure où ils utilisent déjà le Dossier Patient Informatisé(DPI). Ces EHPAD devront être sensibilisés au DMP enpriorité. L’objectif étant qu’à la fin de l’année 2018, 70%des établissements de santé supports de GHT soient enmesure d’alimenter le DMP.

Ces mesures démontrent que loin d’être effective la généralisation du déploiement du DMP a encore un longchemin à parcourir qui, espérons-le, sera couronné desuccès au regard des enjeux auxquels le vieillissement dela population et l’augmentation des maladies chroniquesconfrontent l’organisation actuelle de notre système desanté.

 

PAR Ghislaine ISSENHUTH et Olivier SAMYN