Application de la notion de « market share liability » par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre


Le 10 avril 2014, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre s’est prononcé, par deux jugements (RG 12/13064 – RG 12/12349), sur la responsabilité des deux laboratoires ayant commercialisé le Distilbène en les condamnant in solidum à indemniser la victime.

En l’espèce, il avait en effet été impossible de déterminer lequel des deux médicaments contenant cette molécule avait été administré à la patiente. Le Tribunal de Grande Instance de Nanterre a donc innové en retenant une répartition de la contribution définitive de chaque laboratoire fondée sur leur part de marché à l’époque des faits, au vu des deux développements suivants :

  • il a considéré en premier lieu que les deux laboratoires avaient commis une faute en continuant à commercialiser la molécule sans mise en garde, en dépit des avertissements contenus dans la littérature médicale, retenant au final que la gravité de cette faute était proportionnelle à la part de marché détenue par chacun des deux laboratoires fautifs ;
  • il a considéré en second lieu que la probabilité pour la victime d’avoir été exposée à l’une ou à l’autre des spécialités commercialisées était proportionnelle aux parts de marché respectives des deux médicaments.

Jusqu’alors, seule une répartition à parts égales de la contribution définitive à la dette avait été retenue par les juges dans les cas où il était impossible de retracer la prise de l’une ou l’autre des spécialités.

 

Sursis à statuer sur la question de l’étendue de la motivation des décisions de radiation et renvoi de la question à la CJUE

 

Le Conseil d'Etat a, le 14 mai 2014 (n° 358498), saisi la CJUE d’une question préjudicielle portant sur la motivation d'une décision de radiation d'une spécialité de la liste des médicaments dispensés aux patients hospitalisés dans les établissements de santé au titre de la Directive du 21 décembre 1988.

Cette décision doit être mise en parallèle avec la décision du Conseil d’Etat en date du 4 octobre 2013 (n°353857), par laquelle le Conseil d’Etat a également saisi la CJUE d’une question préjudicielle portant sur la question de la motivation de la décision du ministre modifiant les conditions d’inscription de la spécialité sur la liste des spécialités remboursables, celle-ci se bornant à viser l’avis rendu par la commission de la transparence de la HAS.

 

Le traitement des données personnelles par l’industrie de la santé vu par la CNIL et le Conseil d’Etat

Publication de la Délibération n°2014-099 de la CNIL en date du 20 mars 2014

Afin de prendre en compte les modifications apportées par le Décret n° 2011-655 du 10 juin 2011 relatif aux modalités de signalement par les patients ou les associations agréées de patients d'effets indésirables, la CNIL a mis à jour la délibération n° 2008-005 du 10 janvier 2008 obligeant ainsi les responsables de traitement des données collectées dans le cadre de la pharmacovigilance à une mise en conformité des traitements de données d’ici au 10 avril 2015.

CE, 26 mai 2014, Celtipharm, n°354903

La CNIL ayant autorisé Celtipharm à traiter des données issues d'un panel de pharmacies telles que l'âge des patients, l'origine et la spécialité des médecins prescripteurs, la date de la prescription, les produits délivrés et prescrits, les types de mutuelles souscrites et les montants remboursables, une société concurrente – la société IMS Health, a introduit un recours devant le Conseil d’Etat estimant que la CNIL avait violé la loi Informatique et Libertés en raison du détournement des informations collectées via les feuilles de soins.

Le Conseil d'Etat a rejeté le recours et ainsi validé l’autorisation octroyée par la CNIL jugeant que le traitement des données mis en oeuvre par Celtipharm permettait d’assurer le processus d’anonymisation exigé par la loi Informatique et Libertés.

 

Règlement européen concernant la réalisation d'études d'efficacité post-autorisation de mise sur le marché

 

Aux termes du Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, l’autorité compétente peut exiger du titulaire de l’AMM la réalisation d’études d’efficacité complémentaires dans les deux cas suivants :

  • lorsque certains aspects de l'efficacité du médicament soulèvent des questions qui ne peuvent recevoir de réponse qu'après la mise sur le marché du médicament (article 21 bis du code communautaire),
  • lorsque la compréhension de la maladie, la méthodologie clinique ou l'utilisation du médicament dans les conditions réelles indique que les évaluations d'efficacité antérieures pourraient devoir être revues de manière significative (article 22 bis du code communautaire).

Ces deux hypothèses étant larges, le Règlement européen n°726/2004 du 3 février 2014 (entré en vigueur le 1er mai 2014) est venu définir limitativement les 7 cas dans lesquels des études d’efficacité post-AMM peuvent être exigées, à savoir :

  • lorsque des incertitudes quant à l'efficacité sur une sous-population n'ont pas pu être levées,
  • lorsque les bénéfices démontrés lors des essais cliniques ne se retrouvent pas dans les conditions réelles, ou lorsqu’il n’avait pas été possible de réaliser des études d’efficacité (ex : vaccins),
  • lorsque les médicaments sont utilisés en combinaison avec d'autres médicaments, et qu’il est nécessaire de disposer de données complémentaires relatives à l'efficacité pour mettre fin aux doutes qui n'avaient pas été levés au moment de l'AMM, lorsqu’un défaut potentiel d'efficacité à long terme suscite des interrogations en ce qui concerne le maintien d'un rapport bénéfice/risque positif du médicament,
  • lorsqu’une première évaluation de l'efficacité basée sur des critères de substitution requiert la vérification de l'incidence sur les résultats cliniques ou sur la progression de la maladie,
  • lorsqu’un changement dans la conception de la qualité de la prise en charge d'une maladie ou dans la compréhension de la pharmacologie d'un médicament requiert des preuves supplémentaires quant à l'efficacité de celui-ci,

lorsque de nouveaux éléments scientifiques concrets et objectifs peuvent servir de base pour conclure qu'il pourrait y avoir lieu de revoir de manière significative les évaluations d'efficacité antérieures.

 

 

Etablissements de santé : absence de caractère réglementaire du Guide du contrôle externe T2A (Civ 2, 9 avril 2014, n°13-16228)

En 2005, une clinique a fait l'objet d'un contrôle de tarification à l'activité, sur site et sur pièces, à la suite duquel la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) lui a notifié un certain nombre de manquements.

Dans le cadre de cette procédure de contrôle, des copies de documents avaient été réalisées sans l’autorisation préalable ni des médecins concernés, ni du directeur de l’établissement, contrairement à ce que prévoit le Guide du contrôle externe régional (version 1.1) édité par l’Etat et l’Assurance maladie.

Considérant que la procédure de contrôle était irrégulière au regard de ce Guide, la clinique a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS), qui a annulé la décision de la CPAM, laquelle a formé un pourvoi en cassation estimant que le Guide de contrôle externe n’avait pas de caractère réglementaire.

A l’analyse de la décision qui a accueilli le pourvoi, la réalisation de copies de documents lors d’un contrôle T2A n’est pas soumise à un accord exprès du directeur d'établissement ou des médecins concernés.

 

Antoine Lemétais,  Olivier Samyn,  Ghislaine Issenhuth