Levée des brevets sur les vaccins contre le Covid-19 ?


Dans une « décision ministérielle sur les accords ADPIC » en date du 17 juin 2022, la 12ème conférence ministérielle de l’OMC a adopté ce qui est souvent présenté comme une « levée » des brevets sur les vaccins au bénéfice des pays en développement.

Les juristes préfèrent à cette expression la qualification de licence obligatoire, dès lors que l’article 31 des accords ADPIC sur le fondement duquel la décision a été adoptée, permet aux Etats d’autoriser aux tiers d’utiliser « l'objet d'un brevet sans l'autorisation du détenteur du droit ». Afin de préserver les intérêts du titulaire du brevet, cette possibilité est toutefois conditionnée au respect d’un certain nombre de conditions, parmi lesquelles figure l’impossibilité d’obtenir un accord raisonnable avec le titulaire de droits et le « versement d’une rémunération adéquate ».

Pourtant, la décision ministérielle du 17 juin 2022 indique clairement adopter au bénéfice des pays en développement un certain nombre de dérogations aux exigences de l’article 31 des accords ADPIC, parmi lesquelles :

  • l’absence d’obligation de recherche d’un accord préalable avec le titulaire du brevet ;
  • la possibilité pour les Etats de réexporter les vaccins obtenus sans l’accord des titulaires de droit, là où l’article 31 des accords ADPIC cantonne normalement l’usage autorisé au marché intérieur des pays concernés ;
  • l’aménagement de la rémunération adéquate, qui pourra être fixée en tenant compte « de l'objectif humanitaire et non lucratif des programmes spécifiques de distribution de vaccins visant à donner un accès équitable aux vaccins contre la COVID-19 afin d'aider les fabricants des Membres admissibles à produire et à fournir ces vaccins à des prix abordables pour les Membres admissibles ».

L’importance de ces dérogations, instaurées pour une durée de 5 années, éventuellement prorogeable, permet de s’interroger sur la nature du mécanisme juridique ainsi mis en place. La licence obligatoire ne se rapproche-t-elle pas ici d’une suspension de la quasi intégralité des prérogatives du titulaire du brevet ?

François-Xavier Quisefit / Ghislaine Issenhuth / Olivier Samyn