Les baux commerciaux et les pratiques restrictives de concurrence


À l’occasion d’une question relative à un conflit de règle de compétence territoriale, la Cour de cassation a, par un arrêt en date du 15 février 2018, exclu expressément les baux commerciaux du champ d’application de l’article L 442-6 I 2° du Code de commerce relatif au déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

En l’espèce, un locataire ayant pris à bail un local au sein d’un centre commercial a assigné devant le Tribunal de grande instance de Paris son bailleur en responsabilité, à titre principal, sur le fondement des articles 1134 et 1719 du Code civil et, à titre subsidiaire, au regard de stipulations du bail traduisant, selon lui, un déséquilibre significatif au sens de l’article L 442-6 I 2° du Code de commerce.

Dans le cadre de ce litige, l’incompétence du Tribunal de grande instance de Paris, juridiction compétente pour statuer sur l’application de l’article L 442-6 I 2° du Code de commerce, a été soulevée par le bailleur au motif que le Tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble dont dépendent les lieux loués est seul compétent en matière de baux commerciaux.

La Cour de cassation a estimé l’article L 442-6 I 2° du Code de commerce inapplicable en l’espèce, ce dernier encadrant uniquement les litiges relatifs aux activités de production, de distribution ou de service et jugé en conséquence que seul le Tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble pouvait connaître du présent litige relatif à l’exécution d’un bail commercial.

En effet, la Cour de cassation n’a pas suivi l’argumentation du preneur, selon laquelle le fait que le bailleur soit propriétaire du centre commercial dans son ensemble et que le loyer binaire dépende partiellement du chiffre d’affaires réalisé par le preneur, permettait de caractériser un véritable partenariat commercial entre les parties justifiant de soumettre leur litige aux règles relatives aux pratiques restrictives de concurrence.

Le contrat de bail étant un contrat de louage, dont l’obligation principale pour le bailleur est de mettre à disposition un bien immobilier moyennant un prix et non de réaliser une prestation de service, celui-ci n’est pas soumis aux dispositions définies au livre 4 du Code de commerce applicables aux seuls contrats de production, de distribution ou de service (article L 410-1 du Code de commerce).

Loin de trancher une simple question de conflit de règles de compétence territoriale, la Cour de cassation exclut donc tous les litiges portant sur l’exécution du bail commercial du champ d’application de l’article L 442-6 I 2° du Code de commerce et, en substance, du champ d’application du quatrième livre du Code de commerce.

Si cette analyse semble cohérente au vu de la finalité des textes, l’application par les juridictions de l’article 1171 du Code civil issue de la réforme du droit des obligations, aux baux commerciaux, devra quant à elle être suivie avec attention. En effet, si les juridictions devaient considérer que le bail commercial est un contrat d’adhésion, le preneur pourrait demander à ce que les stipulations du contrat de bail, autres que celles faisant l’objet de dispositions spécifiques dans le cadre du régime des baux commerciaux, créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, soient réputées non-écrites sur le fondement du droit commun.

Emmanuel Fleury et Mathilde Fiers.