Le mot du pénaliste

Gérant de société :

à défaut de publication du changement de direction, la responsabilité pénale demeure


Aux termes de l’article 121-1 du Code pénal, nul n’est responsable pénalement que de son propre fait.

Par application de ce principe essentiel, le représentant légal d’une société ne peut voir sa responsabilité pénale engagée qu’en présence d’actes commis pendant l’exercice de ses fonctions.

Toutefois, par un arrêt du 9 septembre 2020, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a tempéré cette solution en rappelant l’importance des formalités à effectuer lors d’un changement de dirigeant.

A cet égard, il résulte des articles 1846-2 du Code civil et L.210-9 du Code de commerce que la société ne peut se prévaloir, à l'égard des tiers, des nominations et cessations de fonction des dirigeants sociaux tant qu'elles n'ont pas été régulièrement publiées, sauf à démontrer que les tiers ont personnellement eu connaissance des changements intervenus.

En l’espèce, une gérante de SARL, condamnée pour plusieurs délits dont un abus de biens sociaux et une infraction au travail dissimulé, contestait le bien-fondé de sa poursuite au motif que les actes dont il lui était fait grief étaient postérieurs à la cessation de ses fonctions.

La Cour de cassation a rejeté cette argumentation en considérant que le changement du gérant de droit d’une SARL ne produit effet à l’égard des tiers que lorsque les formalités légales de publicité ont été accomplies.

Ainsi, si les actes reprochés à la gérante étaient effectivement postérieurs à la cessation de ses fonctions, ils étaient en revanche antérieurs à la publication du changement de gérance sur l’extrait Kbis de la société.

La chambre criminelle de la Cour de cassation rejoint la jurisprudence de la chambre commerciale selon laquelle, tant que les formalités de publication de leur nomination n'ont pas été accomplies, les dirigeants ne peuvent échapper aux responsabilités attachées aux fonctions qu'ils ont acceptées et exercées (cass com 26 janvier 1988).

Par ailleurs, la chambre criminelle retient dans son arrêt du 9 septembre 2020 qu’en retardant la publication du changement de gérant, intervenu en fraude des droits de l’associé, la gérante avait conservé en fait et en droit les prérogatives de gérant de la société et pouvait dès lors être poursuivie et condamnée.

La solution pouvant trouver à s’appliquer au-delà de la seule SARL visée par l’arrêt de la Cour, il est vivement conseillé aux dirigeants de société de veiller à la bonne publication de la fin de leurs fonctions.

Enfin, il doit être rappelé que la publication de la cessation des fonctions de dirigeant est une condition nécessaire selon la Cour de cassation mais non suffisante puisque, même en cas de changement de gérance régulièrement publiée, la responsabilité pénale pourrait subsister si le précédent gérant ne met pas réellement fin à ses fonctions et poursuit une gérance de fait.

Jérôme Rousselle - Collaborateur Senior