Le mot du pénaliste

La victime d’une infraction pénale peut demander à l’auteur de celle-ci la réparation de son préjudice sans avoir à déduire l’indemnisation versée par son assureur


La victime d’une infraction pénale est recevable à se constituer partie civile devant la juridiction pénale aux fins de réclamer l’indemnisation de son préjudice à l’auteur de ladite infraction.

En pratique, il est alors fréquemment, sinon systématiquement, opposé à la victime constituée partie civile que son préjudice a, totalement ou partiellement, déjà été réparé par son assureur et que le montant des sommes versées par ce dernier doivent être déduites des dommages et intérêts demandés à l’auteur de l’infraction.

Or, il résulte d’une jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, affirmée à deux reprises que l’indemnisation de la victime par son assureur ne dispense pas l’auteur de l’infraction de réparer le préjudice en découlant.

Il n’est ainsi exigé de la victime partie civile que la démonstration de la réalité et de l’étendue de son préjudice sans que les sommes versées par son assureur ne viennent en déduction du quantum du dommage.

Cette solution ne consacre pas la possibilité d’une double indemnisation prohibée mais fait au contraire une application stricte du principe de la responsabilité civile délictuelle selon lequel « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Il est certain que « celui par la faute duquel » le dommage a été causé est bien l’auteur de l’infraction et non l’assureur lequel ne répare pas le préjudice pour le compte de l’auteur de l’infraction qui serait sinon paradoxalement couvert par une assurance qu’il n’aurait pas souscrite.

En versant à son assuré les sommes convenues dans sa police, l’assureur ne répare pas le préjudice mais exécute purement et simplement son obligation contractuelle découlant du contrat onéreux d’assurance pour lequel son assuré lui a versé des primes souvent importantes.

S’il est ainsi possible à la victime de présenter une demande de réparation intégrale à l’auteur de l’infraction, une telle faculté n’est pas offerte à l’assureur qui ne dispose pas, sauf exception, devant les juridictions pénales d’un recours subrogatoire.

La jurisprudence de la Cour de cassation, conforme aux règles de responsabilité civile et à l’effet relatif des contrats, interdit ainsi à l’auteur d’une infraction de se réfugier derrière l’existence du contrat d’assurance auquel il n’est pas partie pour échapper aux conséquences civiles des faits commis.

Jérôme Rousselle, Collaborateur Senior