L'allongement des délais de prescription de l'action pénale profite à l'action civile de la victime


La loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale a été publiée au Journal officiel du 28 février. Elle consacre notamment un doublement des délais de prescription de l’action publique des crimes et des délits. Préalablement à cette modification législative, les délais de prescription des infractions étaient les suivants : 1 an pour les contraventions, 3 ans pour les délits et 10 ans pour les crimes.

Les effets les plus importants de la loi nouvelle au regard du droit pénal des affaires sont relatifs à la modification des délais de prescription (I), au point de départ de ce délai (II), et à son application dans le temps (III).

I. La modification des délais de prescription de l’action publique : un allongement notable et une incidence sur le délai de l’action civile de la victime

Cette modification revêt une importance cruciale puisque, d’une part, aux termes de l’article 6 du Code de procédure pénale, la prescription est une cause d'extinction de l'action publique.

Alors que jusqu’à présent les délits et les crimes se prescrivaient respectivement après 3 et 10 ans, désormais, « l'action publique des crimes se prescrit par vingt années révolues à compter du jour où l'infraction a été commise » (art 7 CPP) et « l'action publique des délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l'infraction a été commise » (art. 8 CPP). Le délai de prescription de l’action publique des contraventions n’est quant à lui pas modifié et reste fixé à un an (art 9 CPP).

L’impact en droit pénal des affaires est donc substantiel dans la mesure où l’essentiel des infractions concernées sont des délits (escroquerie, corruption, abus de confiance, abus de biens sociaux...) dont la prescription passe ainsi de 3 à 6 ans.

D’autre part, l’allongement du délai de prescription (action publique) aura pour conséquence de faire bénéficier la victime d’un allongement du délai de son action civile. En effet, au regard des règles civiles, le délai de prescription de l’action civile est de 5 années. Or, en application des dispositions de l’article 10 du Code de procédure pénale : « lorsque l'action civile est exercée devant une juridiction répressive, elle se prescrit selon les règles de l'action publique. ».

Ainsi, grâce à l’allongement des délais de prescription, concernant l’action publique, la victime qui portera son action civile devant le juge pénal (conjointement à l’action publique) disposera d’un délai supérieur à celui accordé par les règles civiles (5 ans) en disposant ainsi de 6 ou 20 ans.

 

II. La précision des points de départ du délai de prescription

La loi nouvelle ne modifie pas le principe selon lequel le point de départ est fixé au jour où l’infraction a été commise, en matière contraventionnelle (art. 9 CPP), délictuelle (art. 8 CPP) et criminelle (art. 7 CPP).

En revanche, la loi consacre la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux infractions occultes ou dissimulées qui retardait le point de départ de la prescription au jour de leur découverte. Sont ainsi définies

les notions d’infractions occultes ou dissimulées :

  • « Est occulte, l'infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime ni de l'autorité judiciaire » (art. 9-1, al. 4 CPP), ce qui correspond aux infractions clandestines par nature dégagées par la jurisprudence (par exemple, la tromperie).
  • « Est dissimulée l'infraction dont l'auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte » (art. 9-1, al. 4 CPP), ce qui correspond à la notion d’infractions clandestines par réalisation, que la jurisprudence a largement appliquée en droit pénal des affaires.

S’agissant de ces infractions, occultes ou dissimulées, années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes à compter du jour où l'infraction a le principe jurisprudentiel de la fixation du point de départ de la prescription de ces infractions, non au jour de leur commission, mais de leur possible découverte, est ainsi consacré au plan législatif (article 9-1 al 3 CPP). Toutefois, afin d’éviter une imprescriptibilité de fait, la loi nouvelle instaure un délai butoir en disposant que le délai de prescription ne pourra pas « excéder douze été commise » (art 9-1 al 3 CPP).

 

III. L’application dans le temps de la nouvelle loi

La loi pénale de prescription étant d’application immédiate (art 112-2 Code pénal), la loi du 27 février 2017 s’applique depuis le 1er mars 2017 à toutes les affaires non encore poursuivies, à celles pendantes devant une juridiction pénale et à celles à venir. La conséquence la plus directe est ainsi un allongement des délais de prescription de l’action publique pour les délais non encore expirés au 1er mars 2017.

Il faudra alors déterminer si les faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle étaient ou non prescrits au 1er mars 2017 en application des anciens délais de prescription. Dans l’affirmative, ils ne pourront plus être poursuivis, dans la négative, la loi nouvelle s’appliquera en allongeant le délai.

Plusieurs hypothèses doivent être distinguées au regard du délai butoir de 12 ans instauré par la loi nouvelle

concernant les infractions occultes ou dissimulées :

  • Si une juridiction pénale a été saisie avant le 1er mars 2017, le délai butoir ne s’applique pas aux affaires en cours mais cela n’a pas réellement d’impact sur la prescription,
  • Si aucune juridiction d’instruction ni de jugement n’a été saisie avant le 1er mars 2017, deux cas de figure se présentent :

    -  soit les faits n’ont jamais fait l’objet d’une quelconque investigation : alors, faute d’acte interruptif de prescription qui ferait courir un nouveau délai de prescription (par exemple, un PV d’enquête), il ne sera plus possible de les poursuivre au-delà d’un délai de 30 ans (crimes) ou de 12 ans (délits) à compter de leur commission,

    -  soit au moins un acte interruptif de prescription a été accompli (l’infraction pouvant néanmoins rester clandestine) : le délai de prescription a recommencé à courir, à compter de cet acte interruptif, pour une durée égale au délai initial et le délai butoir de 12 ou 30 ans n’aura pas vocation à interférer dans la poursuite.

 

Jérôme Rousselle