L’état de faiblesse du mandant : un risque civil et pénal pour l’agent immobilier


 

La capacité du cocontractant à conclure un acte, tel un mandat, est une condition essentielle de validité de celui-ci.

Outre les diverses pathologies de nature à affecter le discernement, le vieillissement progressif de la population française doit inciter les agents à des précautions pour éviter la remise en cause de l’acte conclu ainsi qu’un risque pénal personnel.

La conclusion d’un mandat de vente, comme tout contrat, suppose pour sa validité l’expression par le mandant d’un consentement libre et éclairé ce que le Code civil rappelle en disposant : « pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit ». Cette condition, apparemment évidente, peut cependant entraîner la nullité du mandat alors que l’agent immobilier n’avait pas connaissance de troubles affectant le mandant ou ne pouvait les percevoir. Il en est de même lorsque le mandant est victime d’un abus de faiblesse, même par un tiers au mandat.

En effet, le fait que l’agent immobilier ignorait l'état de faiblesse ou le trouble mental du mandant est sans incidence sur la validité du mandat dont la nullité résulte de l'insanité d'esprit ou de l’état de faiblesse du mandant dans la mesure où le Code civil ne pose aucunement comme condition la connaissance de celle-ci par le cocontractant. C’est ainsi qu’un agent immobilier n’a pu éviter la nullité d’un mandat de vente d’un château donné par un propriétaire victime d’un état de faiblesse commis par un tiers et dont l’agent n’avait pas et ne pouvait avoir connaissance, l’agent n’ayant pas même été visé par la procédure pénale ouverte du chef d’abus de faiblesse.

 

La conclusion d’un mandat par une personne en état de faiblesse ou affectée d’un trouble mental sera sanctionnée au plan civil par la nullité de l’acte, que l’agent immobilier ait eu connaissance ou non de l’altération du consentement de son mandant.

Les conséquences civiles de la conclusion par un mandant en état de faiblesse ou affecté d’un trouble mental sont particulièrement sévères pour l’agent immobilier qui ne pourra donc éviter la nullité de l’acte. Dans l’affaire précitée, l’agent immobilier évincé de son mandat à raison d’une vente effectuée par le mandant avec un tiers n’a pu faire valoir la clause pénale stipulée au mandat puisque celui-ci, frappé de nullité, ne pouvait plus recevoir application.

Si au plan civil, l’agent immobilier peut ignorer l’existence d’un trouble mental ou d’un état de faiblesse de son mandant, il doit, sur le plan pénal, se garder d’en tirer profit dès lors que cet état lui était connu ou était apparent. Le Code de la consommation sanctionne ainsi de nullité lecontrat conclu à la suite d'un abus de faiblesse (article L132-13) et prévoit des sanctions pénales lorsqu’un abus de faiblesse est commis à l’occasion d’un démarchage à domicile (L122-8 et L122-9).

Au-delà des hypothèses de démarchage à domicile envisagées par le Code de la consommation, l’agent immobilier doit être vigilant au regard de tout état de faiblesse ou d’ignorance dont son mandant pourrait être l’objet. L’article 223-15-2 Code pénal sanctionne en effet de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur pour conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

 

La sanction pénale de l’abus de faiblesse suppose la connaissance par son auteur de la connaissance de cet état ou son caractère apparent mais la jurisprudence se montre sévère à l’encontre du professionnel.

Un agent immobilier a ainsi été condamné pour avoir acheté un bien immobilier à son mandant qui souhaitait le vendre alors que ce dernier était atteint de la maladie de Parkinson. Bien que le mandant, ancien agent du Trésor public, gérait seul ses biens et que le notaire chargé de la vente n’ait rien décelé, l’agent a été condamné par le tribunal correctionnel. Malgré cette sévérité, probablement due au profit réalisé par l’agent dans cette affaire et au caractère visible de la maladie de Parkinson, il ne faut pas en déduire que le seul état de faiblesse conduise à la constitution du délit qui suppose un abus de cet état même si cet abus est rapidement constitué. L’état de faiblesse doit être apparent et toutes les pathologies ne le sont pas, telle la maladie d’Alzheimer. Toutefois, des précautions sont à prendre par l’agent en présence d’un mandant âgé ou d’indices permettant d’avoir des doutes, tels des pertes de mémoire, des tremblements ou un état dépressif.

Afin d’éviter le risque de l’annulation du mandat, découlant de l’état de faiblesse, et des poursuites pénales pouvant être initiées par les héritiers du mandant, il est conseillé à l’agent, en cas de doute, de se faire remettre un certificat médical du médecin traitant du mandant.

 Par Christophe Héry et Jérôme Rousselle