Décision du Tribunal administratif de Nantes du 16 octobre 2025
Toute décision administrative illégale est constitutive d’une faute susceptible d’engager la responsabilité de son auteur et toute personne victime d’un préjudice direct et certain à raison de cette illégalité peut en demander réparation.
La solution s’applique aux décisions des commissions d’aménagement commercial, qu’elles autorisent ou refusent le projet.
Les demandes indemnitaires à ce titre sont toutefois très rares alors que chaque année le juge administratif censure plusieurs de ces décisions (18 en 2023, 12 en 2024, 15 au 8 octobre 2025). Le succès de telles demandes est, pour sa part, rarissime.
Une affaire, qui trouve son origine dans des autorisations d’exploitation commerciale entachées d’irrégularités, vient pourtant de trouver une issue favorable pour les parties requérantes, conseillées par notre équipe Urbanisme, composée d’Emmanuel Guillini et Jean-André Fresneau.
Le projet de création d’un hypermarché et de sa galerie marchande ayant été autorisé à trois reprises et ces autorisations successives ayant été annulées par le juge administratif, le pétitionnaire avait malgré tout décidé de le mettre en œuvre et d’ouvrir les commerces au public avant l’aboutissement des diverses procédures contentieuses engagées à son encontre.
La société d’exploitation du magasin d’une enseigne concurrente, dont le chiffre d’affaires s’était aussitôt trouvé impacté, formait un recours indemnitaire contre l’Etat en réparation du préjudice financier subi par elle du fait de l’exploitation irrégulière de l’ensemble commercial litigieux, en l’espèce exploité indûment (pendant presque trois années) jusqu’à sa régularisation administrative.
Dans un premier temps, par un arrêt du 9 novembre 2018, la cour administrative d’appel de Nantes avait déjà condamné l’Etat à lui payer une indemnité en principal de 1 536 230 euros, augmentée des intérêts légaux eux-mêmes capitalisés (CAA Nantes, 9 novembre 2018, Société S., n°14NT02365).
Dans un second temps, les dirigeants actionnaires de cette même société ont également entendu poursuivre la réparation de leur préjudice personnel résidant dans la perte de valeur vénale de leurs fonds de commerce, vendu à un prix minoré à l’occasion de leur départ en retraite. Le tribunal administratif de Nantes vient de condamner l’Etat à leur verser, de ce chef de préjudice distinct de celui subi par leur société, la somme de 1 699 173 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts échus (TA Nantes 16 octobre 2025, M. D. et Mme V., n°1905237).
C’est à notre connaissance la première fois que la délivrance fautive d’une autorisation d’exploitation commerciale illégale donne ainsi lieu à une double indemnisation (d’abord de la société, puis de ses actionnaires), pour des montants au demeurant non négligeables !
