Lois Macron et Rebsamen


La loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (dite loi Macron) a été validée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 5 août 2015 et publiée le 7 août 2015 au Journal officiel.

Son dispositif d'encadrement de l'indemnité, octroyée par le juge au salarié en cas de licenciement abusif, en fonction de l'effectif de l'entreprise a été lui censuré du fait de sa méconnaissance du principe d'égalité devant la loi.

La loi n°2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi (dite loi Rebsamen) a été validée par le Conseil constitutionnel le 13 août 2015 et publiée au Journal officiel du 18 août 2015.

Ces deux lois ont eu un impact considérable dans de multiples domaines régis par le droit du travail. Cette Actualité Sociale s'attache à décrire les principales "mesures sociales".

Sont ainsi traitées dans le présent bulletin les réformes intéressant les institutions représentatives du personnel (IRP) et les licenciements économiques.

Les autres sujets tels que notamment le travail du dimanche, le travail dissimulé, la pénibilité, la réforme prud'homale... feront l'objet d'une prochaine note. Nous nous tenons d'ores et déjà à votre disposition pour répondre à vos questions.

 

Une nouvelle délégation du personnel et le regroupement des IRP par accord

Une délégation unique dans les entreprises de moins de 300 salariés

La loi Rebsamen permet la mise en place d'une délégation unique du personnel (DUP) dans les entreprises de moins de 300 salariés (contre 200 auparavant) regroupant les délégués du personnel (DP), le comité d'entreprise (CE) et désormais le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui exercera l'ensemble de leurs attributions.

L'employeur prend cette décision après avoir consulté chacune des institutions représentatives du personnel (IRP), sans être lié par leurs avis.

Cette faculté lui est offerte lors de la constitution ou le renouvellement de ces institutions.

La durée du mandat des DP, des membres du CE et du CHSCT peut d'ailleurs être prorogée ou réduite dans la limite de 2 ans, afin que leur échéance coïncide avec la date de mise en place de la délégation unique du personnel.

La loi réduit la fréquence des réunions devant être organisées par l'employeur puisque la DUP est réunie au moins une fois tous les 2 mois (contre une réunion mensuelle pour les DP et une autre pour le CE).

Au moins 4 de ces réunions (sur les 6 annuelles) portent, en tout ou partie, sur des sujets relevant des attributions du CHSCT. L'employeur fait ainsi également "l'économie" des 4 réunions annuelles du CHSCT.

Le nombre des représentants du personnel constituant la délégation unique et celui d'heures de délégation seront fixés par décret en Conseil d'Etat.

 

Un regroupement des IRP par accord pour les entreprises de plus de 300 salariés

La loi Rebsamen permet, dans les entreprises d'au moins 300 salariés, de regrouper les DP, les membres du CE et du CHSCT ou de deux de ces IRP au sein d'une instance commune exerçant l'ensemble des attributions des institutions regroupées.

L'instance commune doit être prévue par un accord collectif signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés au 1er tour des élections des titulaires au CE ou, à défaut, des DP, et ce, quel que soit le nombre de votants.

Dans les entreprises comportant des établissements distincts, l'instance peut être mise en place au niveau d'un ou de plusieurs établissements, selon des modalités de regroupement qui peuvent être distinctes.

A l'instar de la DUP dans les entreprises de moins de 300 salariés, l'instance commune :

  •   peut être mise en place lors de la constitution ou du renouvellement des IRP, dont le mandat peut être réduit ou prorogé ;

  •   comporte un nombre de représentants du personnel titulaires et suppléants qui sera déterminé par l'accord collectif, sans toutefois pouvoir être inférieur à celui fixé par décret ;

  •   se réunira au moins une fois tous les 2 mois ;

  •   devra consacrer au moins 4 réunions dans l'année, en tout ou partie, à l'exercice de ses attributions en matière d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

     

 
Lorsque l'instance inclut le CHSCT, une commission d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail doit être créée. En outre, l'accord collectif peut prévoir - mais ce n'est pas une obligation - la mise en place de commissions (économique, de la formation, de l'égalité professionnelle...).

L'instance commune est dotée de la personnalité civile et gère, le cas échéant, son patrimoine.

A savoir : A compter du 1er janvier 2017, seront instituées des commissions paritaires régionales interprofessionnelles chargées de représenter, au niveau interprofessionnel, tous les salariés et employeurs issus d'entreprises de moins de 11 salariés en dehors de ceux qui sont couverts par des commissions créées par accords de branche.

 
Election et fonctionnement des IRP

La loi Macron comporte quelques dispositions ayant une incidence sur les institutions représentatives du personnel (IRP), à savoir :
  •   l'obligation de transmettre la copie du procès-verbal des résultats des élections (DP et CE) aux organisations syndicales candidates et à celles ayant négocié le protocole d’accord ;
  •   l'élargissement de la compétence du Tribunal d'instance pour connaitre des litiges électoraux (sur le nombre d'établissements distincts dans une entreprise et celui des sièges à pourvoir) ;
  •   l'inscription de plein droit à l’ordre du jour, par le secrétaire ou le président, des sujets sur lesquels le CHSCT doit obligatoirement être consulté.

Point non négligeable toutefois, elle supprime la peine d'emprisonnement d'un an encourue en cas d'entrave au fonctionnement des IRP, la sanction se limitant dorénavant à une amende de 7 500 euros (contre 3 750 euros antérieurement). Cette peine d’emprisonnement d’un an demeure toutefois en cas d’entrave à la constitution des institutions représentatives du personnel ou à l'exercice du droit syndical.

La loi Rebsamen a remanié en profondeur la négociation et la consultation des IRP en vue d'un allègement des obligations des employeurs.

C'est ainsi qu'elle met fin, à compter du 1er janvier 2016, à l'obligation pour l'employeur d'établir les différents rapports ou bilans transmis de manière récurrente au CE. Les informations seront désormais mises à disposition dans la base de données économiques et sociales.

Il en résulte que :

  • les entreprises de moins de 300 salariés ne devront plus établir un rapport annuel sur la situation économique de l'entreprise ;
  • les entreprises de plus de 300 salariés ne devront plus établir un bilan social, seule demeurant l'obligation de consulter le CE sur les données mises à sa disposition dans la base. Cependant, l'information trimestrielle du CE sur la marche générale de l'entreprise demeure.

La loi Rebsamen regroupe en outre l'ensemble des 17 obligations récurrentes d'information-consultation du CE actuelles en 3 consultations annuelles, consacrées aux orientations stratégiques, à la situation économique et financière et à la politique sociale, et ce à partir du 1er janvier 2016.

Le comité d'entreprise pourra, lors de ces réunions, se faire assister par un expert-comptable rémunéré par l'employeur.

A partir du 1er janvier 2016, les 12 obligations de négocier existantes seront regroupées en 3 blocs de négociations :

  • une négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail, et la répartition de la valeur ajoutée ;
  • une négociation annuelle sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail ;
  • une négociation triennale sur la gestion des emplois et des parcours professionnels, qui peut également porter sur le contrat de génération.


La périodicité de ces négociations pourra être modifiée, sous certaines conditions, par accord d’entreprise dans la limite de 3 ans pour les deux négociations annuelles et de 5 ans pour la négociation triennale.

Nouveautés sur les licenciements économiques

La loi Macron allège l'obligation de reclassement de l'employeur dans les groupes internationaux et corrige des incohérences issues de la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013.

Il appartient désormais au salarié dont le licenciement pour motif économique est envisagé de solliciter son employeur pour recevoir des offres de reclassement à l'étranger. Auparavant, c'est l'employeur qui devait prendre cette initiative en demandant au salarié, avant son licenciement, s'il acceptait d'être destinataire d'offres de reclassement à l'étranger et sous quelles restrictions.

La loi Macron met également fin à une incertitude qui concernait les modalités de fixation des critères d'ordre : l'employeur est maintenant autorisé à prévoir, sous certaines limites, un périmètre d'un niveau inférieur à celui de l'entreprise dans le document unilatéral (qu'il est tenu d'élaborer à défaut d'accord collectif majoritaire). Cette possibilité était auparavant uniquement réservée à l'accord collectif majoritaire.

Enfin, cette loi met fin à un paradoxe qui survenait lorsque le tribunal administratif jugeait insuffisamment motivée une décision de validation ou d'homologation (de l'accord collectif majoritaire ou du document unilatéral) rendue par le Directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail (Direccte).

Dans cette hypothèse, c'était à l'employeur qu'il revenait d'en supporter les conséquences puisqu'il était condamné à verser aux salariés licenciés une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire, et ce, alors même qu'il avait respecté l'ensemble de ses obligations.

Désormais, il appartiendra au Direccte de prendre une nouvelle décision suffisamment motivée, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement du Tribunal administratif. L'annulation pour le seul motif d'une insuffisance de motivation sera ainsi sans incidence sur la validité du licenciement économique.

A savoir également : La loi Macron assouplit le dispositif d'information des salariés lors d'une cession d'une entreprise de moins de 250 salariés. Il est rappelé que la loi Hamon du 31 juillet 2014 sanctionnait le manquement à cette obligation d'information par la nullité de la vente.

A présent, la sanction consistera en une amende civile dont le montant ne pourra excéder 2 % du prix de vente. La loi Macron, dont les dispositions entreront en vigueur au plus tard le 6 février 2016, préserve ainsi la sécurité juridique de l'opération.

 

Valérie Tromas et Christian Connor