Covid-19 Publication de l’ordonnance relative à la prorogation des délais durant la période d’urgence sanitaire

Les clarifications du ministère de la Justice sur ses effets sur les délais de forclusion et de prescription


A l’heure où nous rédigions notre précédente note et tentions, notamment, d’interpréter les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire (Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020) et de comprendre ses effets sur les délais de prescription et de forclusion, le directeur des affaires civiles et du sceau,
Monsieur Jean-François de Montgolfier, adressait une circulaire à tous les présidents de juridictions et procureurs de France (aimablement communiquée par notre confrère Sophien Ben Zaied, avocat au barreau de Bordeaux ; circulaire n°CIV/01/20, références : C2/DP/202030000318/CB) ayant pour objet d’expliciter cette ordonnance.

 

Nous nous intéresserons particulièrement au titre 1 de cette circulaire car celui-ci concerne précisément le mécanisme de prorogation des délais échus durant la période d’urgence sanitaire.

 

Pour mémoire, devant le manque de clarté de l’ordonnance à ce sujet, nous nous étions interrogés dans notre précédente note sur la question de savoir si l’article 2 de l’ordonnance avait mis en place un mécanisme d’interruption ou de suspension des délais. De la réponse à cette question dépendait en effet la méthode de calcul de la durée du nouveau délai commençant à courir à l’issue de la période d’urgence sanitaire. Nous n’avions finalement pas pu prendre position, rien dans l’ordonnance ne le permettant.

 

La circulaire précitée vient combler cette lacune en donnant des explications détaillées sur le mécanisme mis en place par l’article 2 de l’ordonnance.

 

Elle expose tout d’abord que cet article ne met en place ni une interruption ni une suspension : « l’effet de l’article 2 de l’ordonnance est d’interdire que l’acte intervenu dans le nouveau délai imparti puisse être regardé comme tardif. » C’est bien la seule chose que l’on avait comprise à la lecture de l’ordonnance ! En revanche, comment calcule- t-on « le nouveau délai imparti », rien aux termes de l’ordonnance ne permettait de le comprendre.

 

C’est ce que la circulaire explique ensuite : « l’acte peut, en vertu de l’article 2 de l’ordonnance, être régulièrement effectué avant l’expiration d’un nouveau délai égal au délai qui était initialement imparti par la loi ou le règlement, lequel recommence à courir à compter de la fin de la période juridiquement protégée définie à l’article 1er (c’est-à-dire à l’issue de la période d’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois). ».

 

On ne peut s’empêcher de constater que ce mécanisme ressemble furieusement à celui de l’interruption de la prescription de l’article 2231 du Code civil : un nouveau délai de même durée que celui qui a été interrompu commence à courir.

 

Il est vrai cependant que ce mécanisme se distingue tout aussi fondamentalement de celui de l’interruption de la prescription du Code civil dans la mesure où la durée du nouveau délai d’action est limitée à 2 mois.

 

C’est ce que rappelle la circulaire : « Ce délai supplémentaire après la fin de la période juridiquement protégée ne peut toutefois excéder deux mois : soit le délai initial était inférieur à deux mois et l’acte doit être effectué dans le délai imparti par la loi ou le règlement, soit il était supérieur à deux mois et il doit être effectué dans un délai de deux mois. ».

 

En somme, c’est la première hypothèse que nous avions envisagée dans notre précédente note qui est ici consacrée : un délai de forclusion ou de prescription de même durée que celui qui a été interrompu pendant la période d’état d’urgence sanitaire commencera à courir un mois après son issue, ce nouveau délai étant cependant limité à deux mois. Tout cela peut se synthétiser ainsi :

 

Délai de forclusion/prescription interrompu

Durée du nouveau délai post urgence sanitaire

Action soumise à une prescription ou forclusion d’un délai supérieur à 2 mois

Fin de la période d’urgence sanitaire
+ 1 mois + 2 mois

Action soumise à une prescription ou forclusion d’un délai inférieur à 2 mois (on pense notamment au délai d’un mois de l’action récursoire de l’article L133-6 al. 4 du Code de commerce et au délai de forclusion de 3 jours de l’article L133-3 du Code de commerce applicables en matière de transport)

Fin de la période d’urgence sanitaire + 1 mois
+ délai légal initial

 

 

Alexandre Gruber

Avocat Associé / Partner

Lmt Avocats